Publié dans la section PLace publique du site Cyberpresse le 18 août 2010
Fierté gaie: normal de montrer ses fesses?
Francine Laplante
L’auteure est une mère de Laval.
La Presse
Soucieuse de bien répondre à mon rôle d’éducatrice auprès de ma fille de 6 ans, j’ai décidé cette année de participer avec elle au défilé de la fierté gaie. Comme personne dans mon entourage immédiat ne vit une relation homosexuelle, je voulais qu’elle puisse s’imprégner un peu de cette réalité qui façonne notre société.
Nous sommes arrivées bien volontairement plus d’une heure à l’avance, bien installées à l’angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Bleury. Nous pouvions observer la foule grandir peu à peu. Vous pouvez vous imaginer ses grands yeux lorsqu’elle a vu ses hommes se tenir par la main et s’embrasser tendrement devant nous! «Maman regarde les messieurs, ils s’embrassent comme toi et papa.» Bien oui ma chérie, ces messieurs sont amoureux eux aussi, et c’est normal, tout comme ces deux femmes plus loin. L’important, c’est de s’aimer et être bien dans sa peau, et ce, peu importe si tu aimes un homme ou une femme.
Durant le défilé, je lui ai expliqué qu’il fallait accepter la différence des gens, que chacun avait le droit de vivre comme il le voulait. J’essayais d’inclure dans chacune de mes phrases les mots normalité et respect tout en lui lisant toutes les affiches des participants.
Et puis à un certain moment, deux événements sont venus perturber mon cours 101 d’initiation à l’acceptation de la différence.
Tout d’abord, lorsque j’ai vu défiler une petite fille d’à peine 11 ans tenant dans ses mains une affiche indiquant «Ma maman est bisexuelle et c’est mon héroïne.» Ouf, voilà, j’étais dépassée?! Je ne savais pas quoi inventer pour ne pas retransmettre mot à mot ce message à mon enfant. Comment lui expliquer la normalité de la bisexualité? Je pense qu’en aucun moment, on ne doit pas se servir de ses enfants pour faire accepter nos différences. Je suis loin d’être persuadée que cette petite fille de 11 ans savait pleinement la signification de cette affiche.
Puis un peu plus loin, cet homme déambulant avec un costume de cuir arborant fièrement toute la nudité de ses fesses. La réaction de ma petite Rose: «Maman, c’est normal de montrer ainsi ses fesses à tout le monde?» Non ma chérie, ce n’est pas normal, mais parfois les gens confondent le mot normalité et le mot respect.
Voyez-vous, le problème est là! À mon avis, il y a une limite qu’il ne faut pas franchir, on ne doit pas confondre émancipation sexuelle et normalité sexuelle.
Je crois pertinemment que ce qui se passe dans les chambres à coucher des gens doit rester personnel et ne pas se retrouver dans des défilés accessibles à monsieur et madame Tout-le-monde.
Un défilé qui prône le respect de la différence… Est-ce que pour être un gai normal, il faut porter du cuir et des pantalons roses comme les participants du défilé? Ou encore faut-il tout simplement se promener dans la rue, main dans la main, et se fondre dans la foule, comme ces milliers d’hommes et de femmes qui s’aiment?

Francine!… Francine!… Francine! Est-ce que tu t’es relue avant d’envoyer ta lettre au journal? As-tu réalisé que tu dis et tu dédis dans ta lettre. Moi quelqu’un qui, en même temps, se vante de faire preuve d’ouverture d’esprit et qui en même temps s’interroge sur la normalité de porter du cuir, des pantalons roses ou de se dévoiler les fesses… j’appelles pas ça une personne ouverte d’esprit. En fait, cette personne, elle parle, elle parle… elle se dit ouverte, ça en jette, c’est vertueux! Mais laissons parler cette personne un peu plus et hop!… voilà que le jupon dépasse!
Francine, oui, je sais… tu vis à Laval. C’était ta première fierté gaie… Mais n’as-tu jamais entendu le sempiternel débat de la fierté gaie au cours des dix dernières années? Tu sais les remarques du genre: Y’a trop de nu fesse! Pas besoin de défiler dans la rue pour être fier! Les gars en bobettes de cuir… ça nuit à l’image des gais! etc. etc. Si tu n’as jamais entendu cela… hé bien tu m’en vois étonné.
Francine, tu reproches à une mère de se servir de son enfant pour faire accepter sa différence. Francine, dois-je t’avouer que je te trouves très différente de moi. En fait, quand je te lis, je ne peux m’empêcher de trouver que tu te sers de ta fille pour faire accepter TA différence… Tu fais la même chose Francine. Mais moi, je ne me demande pas si tu es normale. Aimerais-tu que je te dises que je ne te trouve pas normale?
Mais qu’est-ce que c’est pour toi un gai normal? Je me le demande… il fait quoi dans la vie, il a l’air de quoi, il s’habille comment? Il pense comment? Pourras-tu seulement me le dire ma chère Francine? Probablement chère Francine que le gai normal, ce ne serait pas moi… car vois-tu, je prône le respect à la différence. Tu portes au nues cette vertu tout en écrivant des choses qui y sont contraire.

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