L’utopie d’un Village Global.
Dans notre monde moderne, l’homme a du s’adapter rapidement aux nouvelles technologies.
Que l’on pense à l’arrivée du téléphone au début du siècle, à la télévision ou aux fours à micro-ondes, l’homme moderne a toujours su s’adapter aux nouvelles opportunités qu’apportait chaque nouvelle avancée technologique…
Voir un individu discuté avec une autre personne par téléphone cellulaire n’a plus rien de surprenant, ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps. Tout comme de clavarder avec des inconnues à l’autre bout du monde via Internet n’est plus réserver qu’à l’élite des informaticiens, mais est maintenant d’usage courant pour monsieur et madame tout le monde.
Aujourd’hui, en Amérique du Nord, Internet est dans plus des deux tiers des foyers. En Europe, on évalue à environ 40% le nombre des foyers connectés et, de mois en moins, les européens rattrapent leur retard sur les Américains. D’ici peu, donc, la majorité des Occidentaux seront reliés d’une manière ou d’une autre au « Réseau des réseaux ».
Quand j’ai commencé à travailler en Informatique, Internet était vu comme le deus ex machina, l’outil qui permettrait d’abattre les frontières, de permettre aux individus d’avoir accès au Village Global comme on l’appelait à l’époque. Je voyais des Informaticiens fantasmer sur les futures vidéos-conférence, sur les services qu’Internet pourrait offrir aux citoyens, aux échanges d’idées que cela pourrait apporter, à l’interaction directe entre individus, en temps réel, peut importe leur origine.
On voyait aussi la possibilité d’interconnexion entre réseaux locaux, car à l’époque, un réseau d’ordinateurs était limité à l’infrastructure physique d’une entreprise. La possibilité d’étendre le courrier électronique à l’ensemble des citoyens du fameux village global. De pouvoir travailler en temps réel sur des projets avec des collègues virtuellement présents, mais physiquement dans un autre bureau. Et j’en passe.
Nous rêvions à un monde sans limites. Malheureusement, le capitalisme à outrance de notre si belle société a pris possession de ce Village, les idéaux du passé se sont transformés en service à la carte, en pourriels, à la publicité planétaire et à l’oppression des utilisateurs devenus de simple consommateur.
J’ai connu un informaticien qui m’a initié à Winamp à l’époque. Il avait sur son gros disque dur près d’une dizaine de fichiers MP3. Tout fière de lui, il mon démontrait que l’on pouvait, avec plusieurs opérations laborieuses, encoder un CD en fichier et les lires avec un petit logiciel, Winamp.
Un autre me démontra que l’on pouvait trouver des cracks (fichiers qui déverrouillent un logiciel en évaluation) et des numéros de série sur des newsgroups qui se spécialisaient dans ce type de sujet.
Mais à quoi bon tout ça ? me dis-je à l’époque. Pourquoi j’encoderais mes CD en MP3, dans le but de les échanger avec des amis, et que téléchargerait des cracks pour déverrouiller des logiciels alors que mon utilisation d’Internet ne se limitait encore qu’à la recherche de site Web amusant et, que Dieu me pardonne, de photos érotiques ? Mon lien à la maison était très rapide, je vous le concède. Un modem téléphonique à 14,4 kbs était alors le nec plus ultra. Envoyer un MP3 par la maison me prenait une bonne heure pour un seul fichier. Sans parler de trouver un numéro de série dans l’univers de groups de discussion, capharnaüm monstrueux qui aurait découragé le plus brillant recherchiste de Radio-Canada. Alors à quoi bon !
Mais la technologie, cette bête assoiffée de puissance, n’en resta pas là. Les liens d’accès évoluaient rapidement en vitesse. La grosseur des disques durs et la puissance des ordinateurs augmentaient à un rythme démentiel. Microsoft assouplissait l’utilisation d’un ordinateur par le commun des mortelles en introduisant Windows 95, un décalque des systèmes Macintosh beaucoup plus simple.
Tout était maintenant en place pour permettre à notre population occidentale d’avoir accès au fameux Village Global. Nous étions peu de disciples au début. Peu à répandre la bonne parole. Mais très rapidement, la connexion à l’Internet devint indispensable. Que ce soit par les employeurs qui demandaient à leurs employés d’avoir un accès de la maison pour pouvoir envoyer et recevoir des documents (en faisant miroité le télétravail comme solution future…), en passant par les jeunes qui voulaient avoir le dernier jeu vidéo à la mode comme leurs copains de l’école, ou par les free loaders, ceux qui voulaient télécharger des fichiers disponibles dans le Village, que ce soit de la musique, des logiciels, des photos et pourquoi pas des films !
Les fournisseurs d’accès Internet ont donc pris rapidement le chemin de la haute vitesse pour pouvoir offrir un service à la mesure des attentes de nos chers concitoyens. Des développeurs ont compris que les Villageois voulaient s’échanger sans trop de problèmes des fichiers ; on a vu alors l’apparition de Napster et de ses petits frères.
Mais comment les entreprises pouvaient alors capitaliser sur une solution virtuelle dans un contexte nouveau et innovateur ? On fonda le NASDAQ, une bourse dédiée aux entreprises dites de nouvelles technologies. On écrivit des livres, des études, des rapports en plusieurs millions de version qui racontait aux dirigeants et aux investisseurs toujours la même chose, que l’heure était venue, que le Village était construit, que les villageois attendaient plus de services qu’Internet était l’aboutissement de l’humanité !
L’apparition d’entreprise Internet pris son envolé, les Strat-ups. On investit des millions dans l’avenir, dans des solutions qui permettraient au Villageois d’atteindre le paradis. Parallèlement, les citoyens planétaires téléchargeaient via Napster de la musique. Des quantités phénoménales de MP3 se sont échangés à travers Internet. La baisse de prix des graveurs de CD justifiait à elle seule l’abonnement à la haute vitesse et l’utilisation de Napster.
Mais toute bonne chose a une fin. Les investisseurs, après de nombreux mois de spéculation ont demandé aux Start-ups quand ils verraient les profits arrivés. Panique, « on n’en fait pas de profit ! » Dégringolade, crash boursier. Mort des Start-ups. Les conglomérats en profitent alors pour absorber leur petit compétiteur. On parle de synergie, d’entreprise horizontale, de services connexes. Le ralentissement économique et la méfiance engendrée par ce crash boursier virtuel ralentirent alors l’ardeur des consommateurs et des investisseurs. Tout est gelé, personne ne bouge.
Pendant ce temps, les fournisseurs d’accès commencent à facturer à la consommation l’utilisation des liens haute-vitesses. La logique est simple. Si un citoyen utilise notre service pour télécharger des fichiers, il devra le payer à quelqu’un. Son abonnement le relie au Réseau des réseaux, nous lui donnons un minimum d’utilisation et il payera pour le reste. Personne ne l’oblige à l’utiliser son service ! Et vlan, fin de l’universalité, première défaite pour le Village Globale.
Les compagnies de disque, comme l’ensemble de l’industrie du divertissement d’ailleurs (!) supporte mal le ralentissement de leur croissance économique. Au lieu de faire croître leurs profits, il y a un ralentissement des ventes. Les estimations d’augmentions des bénéfices sont à la baisse. Quel autre coupable que Napster ? La mise en marche de la RIAA s’active alors. Mort à Napster ! Fini le téléchargement. Encore une logique très simple. Plus d’échange équivaux à la reprise de l’augmentation de bénéfices. On crée alors des campagnes de sensibilisation, on juge les citoyens somme des voleurs de droit d’auteurs, les condamnant sans juré, sans possibilité d’en appeler. On réussit à fermer Napster, ce Tentateur. Et vlan, fin des échanges de fichiers, deuxièmes défaites pour le Village Globale.
Les citoyens les plus informés se tournent alors vers d’anciennes solutions utilisées dans les années 70 et 80, des systèmes distribués comme les forums de discussion, les newsgroups et des serveurs des discussions, les serveurs IRC. D’autres logiciels d’échange à la Napster font aussi leur apparition, mais la perte de l’engouement des citoyens et l’acharnement de la RIAA ne laisse pas de doute, ils iront au bûché eux aussi.
Pendant ce temps, l’industrie se réorganise. Les majors du cinéma imposent leurs quatre volontés aux différentes législations à travers le monde. L’exemple de la musique les a quelque peu mis sur leurs gardes. Les acquisitions de petites entreprises, les dernières Start-ups, est sur le point d’être terminé par les congloméras toujours assoiffé de domination.
Des entreprises comme la Time fusionnent avec Warner qui achète pour une bouchée de pain Netscape, Winamp, ICQ, etc. Fusion aussi avec AOL, le plus gros fournisseur d’accès au monde (le plus fasciste aussi !). Sony s’associe avec d’autres monstres, dont Microsoft qui développe une stratégie de logiciel distribuée ; lorsque vous achèterez un logiciel, ce sera une application Web, plus de CD, plus de revendeurs, plus de copie, fini le piratage. Vous n’avez pas de lien rapide à la maison, démerdez-vous et payé !
L’exemple le plus aberrant dans tout ça c’est qu’une entreprise comme Time-Warner-AOL offre des logiciels comme Winamp et veulent en même temps la mort du MP3. Que le plus gros vendeur de logiciels de création de CD, Roxio, l’éditeur de Easy CD Creator, achète impunément pour bouchée de pain, avec en plus l’aval du gouvernement américain, le cadavre de Napster. Le ridicule ne tue pas, on le voit bien ici.
La stratégie mercantile est claire, faire le plus d’argent possible avec le Village. On cible le citoyen dans son plus simple élément. On le prend pour une vache à lait, ce qu’il est, et on trouve des solutions pour qu’il achète plus en offrant moins.
L’industrie du disque court pourtant toujours après ses hausses de profits. Elle accuse toujours son ennemie jurée, Internet. Les compagnies de disque mises sur la vente en ligne de fichier musical verrouillé. Vous payez pour de la musique qui n’est écoutable que sur votre ordinateur. Big deal ! Même chose pour les nouveaux logiciels. Vous installez une application que vous avez payée, mais vous ne pouvez la réinstaller à nouveaux si vous changez votre ordinateur. Adieu donc les nouvelles machines plus puissantes, faudra y repenser à deux fois avant de s’équiper d’un nouvel ordinateur.
Vous recevez de plus en plus de courriel publicitaire (pourriel) dans votre compte de messagerie, mais en même temps, votre fournisseur d’accès vous facture à la consommation de votre connexion. Le citoyen paye encore. Vous recevez aussi des virus… houla, houla ! Vite, on s’achète un antivirus qui n’a qu’une licence d’un an, après quoi faudra repayer à nouveau votre licence, sinon… houla, houla ! Mais pas avant d’avoir acheté à nouveau la dernière version de Windows, d’Office et de toutes nos merdes habituelles, car l’antivirus ne supporte plus les anciennes versions de… Ho et puis merde ! Vous avez compris !
Notre fameux Village Global est devenu un super marché global. Son universalité ne se limite qu’au monde occidental. Les frontières de nos pays en sont aussi pour le Village, comme un arrondissement où les règle du jeu ne sont pas les même. Les pages sur lesquelles vous naviguez sont analysées et vos sessions de navigation sont enregistrées. Le démantèlement de réseau de pédophiles en est un bon exemple. Je n’approuve pas la pédophilie. Mais elle a toujours existé de manière underground. Elle va donc y retourner, plus difficile à détecter, mais toujours accessible à leurs bénéficiaires. L’arrestation d’un artiste anglais qui était abonné à un réseau de photo pédophile a fait le tour des manchettes. Pourtant, c’est la liberté individuelle qui était en cause, car, grand Dieu, comment l’a-t-on trouvé coupable de possession de matériel pornographique pédophile si ce n’est qu’en surveillant toutes ses sessions de navigation ? Et vous, sur quel site allez-vous ? Nos amis des renseignements nationaux le savent mieux que vous.
Reste les pirates. Le terme est assez romantique au départ. Malheureusement, les médias, sous contrôle des Grands Inquisiteurs, l’on démonisés à tel point que la seule fréquentation d’une personne qui a piraté un logiciel vous envoie directement en enfer ! Personnellement, je pense que le piratage informatique est le dernier rempart à notre liberté. Autant pour les communications que pour l’échange d’idées. Qui plus est, le piratage est un indicateur de satisfaction de notre citoyen-vache à lait. Pourquoi installez-vous un logiciel piraté sur votre ordinateur au risque de damner votre âme ? Pourquoi téléchargez-vous des fichiers MP3 au risque de voir les comptes en banque de Madonna fondre ? Pourquoi refuser de payer la nouvelle version de Windows alors que Microsoft investie t’en en développement et en recherche ?
Cher lecteur, permettez-moi de faire une parabole. Un jour, un honnête homme avait besoin d’une casserole. Il se rendit dans une boutique spécialisé et acheta sous les conseils de la vendeuse la meilleure casserole. Un revêtement antiadhésif la rendait invulnérable à vos échecs culinaires. Le matériel avec lequel ledit revêtement était fait était impossible à détruire. Tout le monde sait que c’est cancérigène cette matière, faudrait surtout pas qu’elle se mêle à votre nourriture, non, non, non. C’est pourquoi nous garantissons la casserole. Pourtant, au bout de quelque temps, l’homme voyait des bouts du revêtement coller littéralement aux pâtes qu’il fessait bouillir. Étrange. Insatisfait, il se rend à la boutique et on lui dit que la garantie n’était valable que pour un certain temps. L’homme repart donc chez lui et depuis ce temps attend la mort avec sagesse.
Mes amis je vous le dis, si vous n’achetez plus de CD c’est probablement à cause de la médiocrité des produits que l’on nous propose. Si vous n’achetez plus de logiciels, c’est peut-être dû au fait que vous n’êtes jamais satisfait complètement de vos produits existants.
Bon, c’est vrai, je ne suis pas le messie. Je ne suis qu’une simple vache à lait tout comme vous. Mais sachez bien ceci. Si l’on me proposait un bon disque, que j’aurais au préalable écouté sur Internet sans me faire surfacturer par mon fournisseur d’accès, si, donc, je pouvais acheter un CD qui m’offre plus qu’une boite en plastique avec un minable livret et surtout à un coût moindre que celui imposé par les maisons de disque actuelles, probablement que j’achèterais ce CD. Si je pouvais installer un logiciel sur mon ordinateur sans voir à m’enregistrer auprès du fabricant, pouvoir l’installer sur l’ordinateur à mes parents pour leur permettre d’accéder à mes travaux ou à mes œuvres, si je savais que je ne payerais pas à la prochaine version encore-plus-meilleure, qu’on me l’a fournisse automatiquement, si je n’avais pas de soucie à me faire pour savoir si ce logiciel est compatible avec mes autres applications, probablement que je sortirais ma bourse pour me le payer.
Mais à quoi bon payer pour avoir une casserole garantie qui s’autodétruit ? À quoi bon payer pour un fournisseur d’accès Internet qui ne pense qu’à me facturer le plus possible, quitte à m’envoyer de la publicité volumineuse de leur part ? À quoi bon payer pour un jeu vidéo qui n’est intéressant qu’à la première utilisation ? À quoi bon payer pour un disque que l’on n’écoutera jamais plus après la première écoute ? À quoi bon naviguer sur Internet quand je sais que toutes mes sessions sont enregistrées et analysées par le gouvernement, par des agences de marketing ou par vos patrons ? À quoi bon acheter un logiciel qui sera désuet dans quelques mois ?
Je vous le demande, où est notre Village Global, où est notre liberté d’expression et où est notre liberté de CHOISIR ?