Bien qu’il n’existe à peu près pas de données empiriques sur le sujet, la religion dite « à la carte », c’est-à-dire la construction d’un système religieux personnel, semble de plus en plus répandue. Nous n’avons que quelques sondage décrivant des personnes qui se disent appartenir à un grand courant religieux et qui en même temps, nourrissent une croyance qui est, soit enracinée dans un autre système déjà existant et complètement différent, soit à une croyance faite sur mesure qui n’appartient à aucun grand mouvement religieux.
Ainsi, on retrouve plusieures personnes qui vont croire en la réincarnation (idée principalement retrouvée dans le bouddhisme et dans l’hindouisme) mais qui vont se réclamer ou se définir comme appartenant avant tout à courant chrétien. Dans cet exemple simple, on voit la complexité des différents amalgames qui peuvent être concoctés. En fait les possibilités sont infinies et il y en existe autant qu’il y a d’êtres humains sur la terre.
Bien souvent, face à un phénomène de ce genre, la première question à être posée est : « Est-ce bon ou mauvais? ». Cet éternel réflexe d’une dualité entre le bien est le mal est souvent le premier instrument de mesure dont on se sert pour évaluer une situation. Cependant, dans le monde des croyances et de la spiritualité, rien n’est aussi tranché.
Les systêmes religieux ne sont pas à l’abri des changements
Souvent, on croit qu’un système religieux se doit d’être monolithique, immuable et surtout inchangeable. Bien sûr, plusieurs membres d’une même communauté vont se rassembler autour d’un même texte, d’une même ligne directrice, d’un même « code d’éthique ». La communauté se rassemble alors pour partager et pour vivre un seul et même enseignement. Mais à peu près toutes les communautés on le même effet pervers, celui d’exclure la personne « différente » en apparence ou en pensée.
D’ailleurs, chaque nouveau mouvement religieux est souvent la conséquence d’une insatisfaction, d’une dénonciation d’une pensée dominante.
De plus, les grands systèmes religieux savent qu’ils doivent s’adapter aux changements idéologiques de l’humanité. Les différentes réformes en faisant foi. Or, s’il est permis à certains dirigeants religieux de changer la donne, pourquoi le croyant ne pourrait-il pas en faire de même? Surtout si ce dernier ne ressent pas nécessairement le besoin de se rassembler en une Église ou en une communauté.
Les communautés reconstructionistes du Jadaïsme sont un bon exemple d’une communauté qui répond peut-être mieux à des besoins adaptés à l’évolution de la société. Ainsi, lors des assemblées, les hommes et les femmes sont ensembles pour écouter la Parole, les gais sont acceptés, les jeunes filles font une Bat-Mitzvah etc. On est loin du Judaïsme Hassidique rigoureux. En même temps, on entend des critiques. Certains disent que les reconstructionistes n’ont plus rien du Judaïsme parcequ’ils ont édulcoré la majorités des règles et des lois.
Édulcorées? Peut-être. Mais au mois, il appert qu’ils aient été capables de s’unir et de remettre en question des règles et des modes de fonctionnement qui leur semblaient obsolètes.
C’est ici qu’on se fait rabaisser les oreilles avec les histoires d’individualisme. Évidamment l’individualisme est nécessairement mauvais. Parcequ’on nous parle toujours d’un individualisme poussé à l’extrême… celui qui mène au repli sur soi, et qui n’est surtout pas ouvert à l’autre. Bref on nous présente cet individualisme comme une espèce de schizophrénie. Le tableau est toujours noir et la philosophie de vie poussée à bout.
Mais est-ce que savoir ce qu’on veut pour soi est nécessairement mauvais pour une personne? Doit-elle nécessairement se saigner et souffrir pour les autres? Certains pensent que oui. Mais il ne faut pas oublier qu’un individualisme peut se vivre à différents degrés et qu’il peut être compatible avec l’altruisme. C’est seulement que l’individu décide quand, à quel endroit ou à quel moment il se dévoue à l’autre. Et la dévotion à l’autre doit-elle nécessairement blesser, faire mal, priver? Il est bon de se poser la question. Il y a beaucoup à parier que bon nombre de gens qui ont vécu où qui se sont fait inculquer des fondements religieux ont décidé de ne garder que le meilleur et d’y ajouter des éléments, des concepts, des structures de pensée pigés ici et là.
Ainsi, ce qui était nommé « religion » devient beaucoup plus un concept qu’on pourrait nommer « spiritualité ». Car la religion en tant que tel demande d’adhérer à un credo, à des lois, des obligations, à un canon… d’où l’édulcoration mentionnée plus haut.
Il est certain que les « grands » dirigeant religieux vont s’opposer à toute forme d’emprunts ou d’invention. Il faut préserver l’ordre établi… ordre facilement ébranlable à coup de questionnements et de réflexions. C’est comme si on en était arrivé à un fonctionnement qui plaît à plusieurs… donc il faut gober et se taire. Alors, il devient inutile de se poser des questions sur les histoires de chasteté des prêtres, sur la place des femmes dans telle ou telle Église. De toute façon, vous êtes sur d’avoir une réponse toute faite, qui ne laisse aucune place au doute et qui a été élaborer pour pacifier vos crises de l’âme!
Il faut aussi se remémorer qu’il fut un temps où on ne prenait même pas le temps de répondre à ce type de question. Si on regarde l’histoire de divers courants religieux on voit bien que l’abaissement et l’extermination de l’autre, de ses croyances a permis la survie de plusieures des grandes religions de ce monde, christianisme et islam inclus, n’en déplaise à Benoît XVI qui semble avoir la mémoire un peu courte par les temps qui courent.
Mais les temps on bien changé, au lieu de brûler au bûcher le voisin qui pense différemment de nous, on essaie de le comprendre tout en le conspuant dès qu’il a le dos tourné. Si, d’un côté, on reproche aux autres un individualisme malsain… faudrait peut-être regarder dans sa cour et scruter sa propre hypocrisie.
C’est sûrement à cause de toutes ces blessures vécues par bon nombre de gens, que le phénomène de la religion dite « à la carte » a tiré son ampleur. Bien sûr, il y a l’ouverture sur le monde, la découverte de divers systèmes religieux pour pouvoir emprunter. Car il ne faut pas oublier que la majorité des concepts « d’emprunts », sont souvent rattachables à un courant religieux ayant déjà existé.
Les systèmes religieux ne sont pas à l’abri des modes.
Ainsi, les années 80 nous ont proposé toutes sortes de « nouveautés » et de modes que l’on regroupe sous le vocable de « Nouvel Âge ». Il y a très peu de nouveau dans ce foisonnement de concepts. Tantôt tiré du bouddhisme, des religions celtes, viking, amérindiennes etc. C’est l’arrangement et la lecture faite de différents concepts qui est nouvelle. Ainsi la réincarnation proposée par divers groupes nouvel-âgeux n’a rien à voir avec celle proposée en hindouisme ou en bouddhisme.
La grande nouveauté du nouvel âge est qu’il aura permis à plusieurs personnes d’explorer, et même de se perdre, dans différents concepts et de les intégrer à une croyance déjà établie. Certains mélanges peuvent paraître boiteux pour plusieurs, mais il faut se rappeler l’importance qu’un croyance peut avoir pour un individu puisqu’elle est porteuse de sens.
Personnellement, je vois dans le phénomène du Nouvel-Âge, la base de la religion « à la carte » d’aujourd’hui. Le foisonnement des idées, les différentes combinaisons possibles… bref ce fut la découverte d’un buffet « all you can eat » de spiritualité. Certains sont tombés dedans et sont mêmes allés vers des mouvements dits « sectaires ». D’autres ont essayé mais ça a fait son temps.
Mais est-ce que c’est bon ou mauvais???
Mais tout n’est pas nécessairement beau dans ce monde du Nouvel-Âge… le Mal et la souffrance peuvent aussi survenir de la pire des façons… et ce Mal et cette souffrance peuvent durer très longtemps! Eh oui… c’est durant ces années qu’est apparue la déesse de notre ami Françis : Enya! Cette « artiste » nous rappelle que certaines modes peuvent durer longtemps… peut-être trop. Sail away… sail away… sail away!