« … Mais mon Dieu de quoi j’ai l’air Je sers à rien du tout Et qui peut dire dans cet enfer Ce qu’on attend de nous, j’avoue Ne plus savoir à quoi je sers Sans doute à rien du tout A présent je peux me taire Si tout devient dégoût… »
On les connaît par cœur… on peut les réciter, les enfiler, les prononcer. Elles ont des relents du cours de religion du secondaire : les questions existentielles. Elles font partie de nous, mais elles sont souvent reléguées aux oubliettes parce que sans réponses toutes faites, parce qu’elles nécessitent de longues réflexions qui peuvent nous emmener sur un chemin que l’on ne connaît pas bien et qui est tout sauf en ligne droite. Pour certains, elles font peur, pour d’autres, elles sont des tremplins qui les achemine vers des modes de pensée souvent insoupçonnés. Certaines personnes ne voient pas l’utilité de se les poser.
Mais aux fameux « Qui suis-je ? », « D’où viens-je ?», « Où vais-je ?» se greffent d’autres questions qui peuvent élever une structure spirituelle chez un être humain. On peut se moquer de moi lorsque j’affirme que certains textes de Mylène Farmer renferment des éléments spirituels assez marquants. Le texte en exergue en est une preuve. La question : « À quoi je sers ? » combine le « Qui suis-je ? » et le « Où vais-je » et amène l’importance du concept de l’utilité dans tout ce que l’humain peut produire en paroles et en gestes. Et devant toutes les choses souvent perçues comme laides et néfastes, quelles soient comportements ou événements, il y a lieu de se poser des questions. Dois-je subir ? Dois-je me poser en victime ? Dois-je continuer ? Dois-je baisser les bras ? Dois-je seulement assister à tout cela sans poser un geste ?
Les catastrophes et les situations inexplicables nous posent ces questions. On peut se demander « Pourquoi ? », « Qui blâmer ? », « Qu’attend-ton de moi ? ». Bref beaucoup de questions peu de réponses. C’est pourtant sur ces questionnements que les systèmes religieux se sont bâtis. Sans une science qui vient expliquer à coup de théories (ces théories peuvent se montrer aussi farfelues que celles élaborées par des systèmes religieux) l’homme primitif, qui voit la foudre tomber sur un arbre, a pu se demander d’où venait une telle puissance. De fil en aiguille, l’idée d’une force plus grande que nature, d’un Tout-Autre, d’un créateur (ou plusieurs) a germée. Ces déités ont pris diverses formes, on leur a attribué des traits de caractère (aimant, vengeurs etc), des pouvoirs, des caractéristiques… bref ça ressemble bien à toute la clique des super héros de MARVEL comics. L’homme s’est donné cet outil pour apporter un sens à ce qu’il était incapable d’expliquer par la pensée, par la raison. Un bon outil certes, mais qui doit être utilisé selon son utilité… comme pour tous les outils. Sans une bonne dose de doute et de remise en question, on plafonne. On peut même devenir dangereux, voire fanatique. Le danger de tout ceci, c’est la réponse toute faite qui édicte le code de conduite à suivre. Tout ça peut facilement devenir « l’enfer » dont parle Farmer dans son texte. Ce « mal » qui peut amener le dégoût, l’amertume, la désillusion et plonger l’être humain dans une « angoisse philosophique face au mystère de sa destiné. »*
L’esprit de la chanson de Mylène se rapproche beaucoup de la deuxième partie du livre de Qohéleth ou l’Ecclésiaste d’où est tiré le célèbre : « Vanité des vanités… tout est vanité. ». Ce livre pose lui-aussi des questions fondamentales sur l’existence humaine… L’homme peut-il échapper â l’absurdité de son existence ? N’en reste-t-il que la nausée d’un échec total ? Vivons-nous entre le suicide et l’appétit de jouissance ?
Casse-tête parmi les casse-tête, ces questions méritent pourtant qu’on s’y attarde, on peut peut-être arriver à esquisser des amorces de réponses qui pourront nous guider dans une évolution spirituelle qui aide l’être humain à se positionner face à différents aspects de sa vie. Même si souvent, on peut se tromper.
*La phrases en italique sont tirées de l’introduction au livre de Qohéleth de la Traduction œcuménique de la Bible.