Mes amis, mon jardin.
Petit délire de retour en enfance ce matin! Après avoir fait quelques recherches sur le net qui se sont révélées infructueuses, il me fait plaisir de vous présenter en exclusivité LE livre qui a marqué mon enfance! J’avais cinq ans, j’étais en maternelle et il y avait ce moment ou Micheline (il n’y avait pas de Madame ni de professeur en maternelle… c’était juste Micheline (Joyal était son nom de famille)) nous faisait la lecture.
Micheline emmenait le groupe dans une petite salle sombre sans fenêtres et nous étions assis par terre. Elle allumait cette imposante machine, installée sur un chariot à roulettes, qui projettait une lumière aveuglante sur le mur. Elle descendait un plateau, y insérait le livre et comme par magie, les pages du livre et les images qu’il contenait apparaissaient sur le mur. C’était un moment de pure extase.
Elle nous contait cette histoire de légumes intitulée « Mes amis, mon jardin ». J’ai tellement aimé ce livre que, lors d’une visite au salon du livre de Montréal, j’ai demandé à ma mère de me l’acheter. C’était en 1979 et elle avait défrayé un gros 3.50$!
L’histoire était simple, des légumes-enfants (carotte, pomme de terre, oignon, tomate, concombre etc.) vivent paisiblement dans leur jardin. Ils jouent ensembles, se chicanent, se jouent des tours, ont de la difficulté avec certains légumes-adultes (Monsieur chou-fleur notamment!).
Chaque chapitre du livre est une petite histoire en soi, décrivant une situation vécue par un enfant. Mais vient un jour ou les légumes-enfants entendent parler d’un autre légume qu’ils ne connaissent pas: Champignon. Ce dernier apparaît quelquefois par le trou de la clôture et leur vend une potion magique avec laquelle ils seront heureux pour le restant de leurs jours.
Que j’aimais ce moment magique de la lecture à la maternelle. Que j’étais content d’ouvrir ce livre de lire et de relire les différentes histoires qui le composait. J’aimais surtout les images et les couleurs! Je l’emmenais à l’école, je le feuilletais lors de la récréation. Un jour, un grand drame arriva. J’étais en rang, après la récré, c’était en automne. J’ai échappé mon livre sur l’asphalte de la cour d’école. Avant que j’ai le temps de me pencher pour le ramasser, la prof siffle pour faire avancer notre groupe. Éric Galibois a marché sur mon livre avec sa grosse botte, il avait replié le coin inférieur droit de la page couverture. Il n’avait probablement pas fait exprès, mais moi j’avais décidé que oui et je l’ai engueulé comme il se doit lorsqu’on se fait bousiller un tel trésor.
Je n’ai plus revu Éric (qui était le souffre-douleur de la classe) lorsque je suis déménagé à Montréal. Vers l’âge de dix-huit ans, en lisant le journal, j’ai appris la mort d’Éric et de toute sa famille. Ils sont décédés dans leur maison, asphyxiés dans leur sommeil. Il semble qu’on aurait laissé la voiture en marche dans le garage fermé de la maison.
C’est à ce moment que je me suis souvenu de ce livre. J’avais oublié les petites histoires qu’il racontait. Je suis retourné dans le fond de la bibliothèque, je voulais voir cette trace de botte laissée à la page 33 de mon livre. Seule trace que j’avais du passage sur terre de cette personne.
C’est aussi à cette occasion que je me suis mis à relire « Mes amis, mon jardin ». J’ai alors fait une découverte assez bizarre. Un fil de ma lecture me revenait de souvenirs, mais souvenirs teintés d’un petit quelque chose d’énervant que je n’avais jamais encore soupçonné. Mon livre d’enfance était une histoire de drogue. J’ai retourné le livre, bien regardé la page de garde et j’ai vu! J’ai vu que cette histoire était publiée par nul autre que Santé & Bien-être Canada afin de me prévenir des dangers de l’usage de la drogue… à l’âge de cinq ans! J’étais tellement déçu! Une grosse pub de merde!
Je relis les histoires et j’y décode les message… Aubergine qui arrive au jardin et les autres légumes décident de le laver parcequ’il est tout noir. Ils se rendent compte qu’il n’y a rien à faire, qu’il est comme ça et finalement, on le trouve même gentil. Citrouille qui est trop gros et qui se fait niaiser par tous les autres légumes du potager mais qui se fera ami avec la mince Asperge. La jeune Tomate verte qui veut faire la même chose que sa grande soeur Tomate rouge. Choux de Bruxelle qui veut devenir grand et sage comme Monsieur Chou et qui pense aller voir Champignon pour goûter à sa potion magique! Ahhhhhhh!
Merci Santé et Bien-Être Canada! Sans toi, je serais certainement devenu un junkie!