Lumineuse Marcelle Ferron.
L’art contemporain, on aime ou on déteste. Bref c’est souvent ce que l’on entend dire. La peintre qui m’a fait découvrir cet art que je regardais et auquel je ne comprenais rien… c’est Marcelle Ferron.
La première fois que j’ai vu cette dame à la télévision c’était lors d’une table ronde où on avait réunis les différents acteur du Refus Global pour parler de cette « révolution » made in Montréal… considérée par plusieurs comme étant le mouvement à la base de la Révolution Tranquille de Lesage.
Bref, je vois ce petit bout de femme, assez chétive… mais quel caractère. Elle prend la parole et on l’écoute cette dame. Sans être autoritaire, elle démontre une assurance, elle s’affirme. Elle raconte ses débuts dans l’univers des arts où elle chemine depuis déjà quelques années en ne sachant pas trop où elle s’en va. Puis sa rencontre avec Borduas et le changement dans « Peintoure ». Durant tout ce temps défilent à l’écran quelques œuvres de Ferron. Puis elle explique qu’un jour, elle était en avion, le soir, coucher de soleil. Elle regarde alors à travers le hublot et s’exclame : « Criss!!!! C’est ma peinture ça! »
C’est à ce moment-là que je suis tombé en amour avec Ferron.
Elle nait à Louiseville en 1924 dans une famille bourgeoise mais très évoluée pour l’époque. Les garçons et les filles sont élevés sur le même pied d’égalité. Marcelle perd sa mère très jeune et elle est affectée de tuberculose, une maladie qui attaquera les os d’une de ses jambe. Elle étudie chez les sœurs, se fait mettre à la porte pour avoir lu un livre à l’index! Elle commence à étudier aux Beaux-Arts mais quitte parcequ’insatifaite des réponses apportés au sujet de l’art moderne.
C’est avec des tubes judicieusement choisis et volés chez Omer DeSerre qu’elle commencera à peindre. Plas tard, Sico lui donnera en cadeau des sacs de pigments dont elle se servira toute sa vie pour peindre. Son instrument préféré : la spatule. Elle s’en fait même faire sur mesure dont une qui mesure quelques mètres!
Sa rencontre avec Paul-Émile Borduas la guidera dans l’adoption d’un style qui lui est propre. En 1946, Ferron est l’une des dernière à se joindre au groupe des Automatistes et une des plus jeune signataire du Refus Global. Vers 1953, après quelques expositions, elle commence à être connue mais le mouvement Automatiste s’effrite, elle quitte alors pour la France avec ses trois filles à qui elle veut donner une éducation laïque. Elle réussit à séduire les gens et s’y fait quelques amis. Elle est de retour au Québec en 1966 et elle est maintenant une artiste reconnue internationalement
C’est à son retour de Paris que Ferron s’attaque à l’art du vitrail. En association avec l’usine SuperSeal, elle crée une nouvelle technique de vitrail où les morceaux de verres sont retenus par des joints de polymère placés entre deux plaques de vitre. C’est dans l’aménagement d’espaces urbains qu’elle réalise ses œuvres. À Montréal, elle nous a donné ces magnifiques jeux de couleurs dans l’édicule de la station de métro Champs-de-Mars… Véritable œuvre d’art en soi et tour de force d’ingénierie.
Elle a aussi fait entrer la lumière dans la station Vendôme et a créé une sculpture accrochée au plafond, un assemblage de tubulure faisant office de hamac accrochée entre la passerelle et le débarcadère pour recueillir les âmes en peine qui tenteraient d’atteindre à leur vie en se jetant sur les rails du métro. C’est dans ce genre d’engagement social que réside tout l’attrait des oeuvres urbaines de Ferron. Ce n’est pas nécessairement faire de l’art pour faire de l’art. Mais l’art au service des gens. Que ce soit pour embellir ou pour sauver!
J’ai vu beaucoup d’entrevues avec des artistes contemporains, souvent elles étaient ronflantes et ennuyeyses. Des interviews d’artistes tellement empêtrés dans leur démarches qu’ils ne sont pas capables de l’énoncer clairement. Point de cela chez Ferron. Tout est clair, concis et affirmé. Avec une lueur coquine au fond des yeux!
Si ses origines plus bourgeoises l’ont aidé dans sa carrière, on ne sent jamais de pédanterie, elle ne se qualifie pas de star de la peinture… ce n’est pas à elle d’en juger. Bref, elle ne se prend pas pour le nombril du monde.
Ferron a enseigné, tant au niveau de l’école des Beaux-Arts qu’auprès des détenus des prisons. Je crois que par son engagement social, Ferron a réussi à démocratiser l’art et a briser les barrières qui veulent que les produits de l’art soient réservés à une certaine élite. Marcelle Ferron s’est éteinte en 2001.
L’ONF possède un excellent documentaire sur Ferron qu’on peut visionner à la Cinérobothèque. Et les archives de Radio-Canada nous proposent quelques entrevues où elle relate sa carrière (on peut les visionner en cliquant sur ce lien.)